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Thérèse de Lisieux

Thérèse de Lisieux (1873 - 1897)



Le 6 avril 2011, Benoît XVI a tracé un portrait de sainte Thérèse de Lisieux. Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face n'a vécu que 24 ans à la fin du XIX siècle. "Si sa vie fut très simple et cachée, la publication de ses écrits après sa mort en fit une des saintes les plus connues et aimées. La Petite Thérèse n'a cessé d'aider les âmes les plus simples, les humbles et les pauvres, les malades qui la priaient. Mais elle a aussi éclairé l’Église entière de sa profonde doctrine, au point que le vénérable Jean-Paul II lui attribua en 1997 le titre de docteur de l’Église... qui s'ajouta à celui de patronne de la Mission décerné par Pie XI en 1939... Il la définit experte en Scientia Amoris, cette science qui fait resplendir dans l'amour toute la vérité de la foi, ainsi que Thérèse l'a raconté dans son Histoire d'une âme".


L'ensemble de ses écrits en ligne : 

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Récit de vie

Thérèse Martin est née à Alençon en 1873, elle est la cinquième et
dernière fille (2 garçons et 2 filles mourront en bas âge) de Louis et Zélie Martin qui furent béatifiés par Benoît XVI en 2008. Elle vécue ses premières années "entourée d'amour", elle n'a que 4 ans quand la mort de sa mère introduit une brisure dans sa vie. Le père et la quintette de ses filles s'installent alors à Lisieux pour se rapprocher d'une partie de sa famille. Elle fut alors fut alors frappée d'une longue et grave maladie nerveuse dont elle guérit en 1886 grâce au "sourire de la Vierge Marie". 

Deuxième drame qui ébranle Thérèse enfant: sa sœur Pauline puis sa sœur Marie, qu'elle avait choisies successivement comme "petite mère" entrent au Carmel. La nuit de Noël, par une grâce puissante, elle retrouve le joyeux équilibre de son enfance et s'élance, dans "une course de géant", vers le Dieu-Amour qui l'a saisie. Non sans démarche, allant intrépidement jusqu'à Rome se jeter aux pieds du pape, elle obtient d'entrer au Carmel à quinze ans, le 9 avril 1888. 

Avec une fidélité héroïque, elle y poursuit sa route vers la sainteté. Le Seigneur lui découvre peu à peu sa "petite voie" d'abandon et de confiance audacieuse. 

Elle prononça ses vœux en 1890 et en 1896 commença la maladie de la tuberculose qui la porta à la mort et qui fut "une passion de l'âme... Le 9 juin 1895, elle s'offre à l'amour miséricordieux de Dieu. Elle vécut la foi la plus héroïque, telle une lumière dans les ténèbres envahissant l'âme... Dans ce cadre de souffrance, elle vécut le plus grand des amours dans les choses les plus infimes de la vie quotidienne, portant à l'accomplissement sa vocation d'être l'amour au cœur de l'Église". Durant sa longue maladie, elle s'est conformée au Christ, dans le mystère de son agonie pour le salut des pécheurs qui n'ont pas la foi. Elle meurt à 24 ans, le 30 septembre 1897 en disant simplement: "Mon Dieu, je vous aime", Jésus je t'aime étant au cœur de tous ses écrits. "Elle fut un des ces petits dont parle l'Évangile, qui se laissent conduire à Dieu dans la profondeur de son mystère, mais aussi un guide pour tous et en particulier pour" les théologiens. "Avec humilité et charité, foi et espérance, Thérèse entrait sans cesse dans l'Ecriture qui renferme le mystère du Christ. Nourrie de la science de l'amour, cette lecture biblique s'oppose à la science académique. En effet, la science des saints, dont parle la dernière page de l'Histoire d'une âme, est la science supérieure... Dans l’Évangile elle trouva avant tout la miséricorde de Jésus...et le point final de son récit furent la confiance et l'amour, des mots qui ont éclairé son chemin de sainteté, qui ont guidé ce qu'elle appelait son petit chemin de confiance et d'amour, celui de l'enfant qui s'abandonne". 

Quelques années plus tard, le récit de sa vie "Histoire d'une Âme", écrit par obéissance, connaît un succès populaire époustouflant et les  témoignages de grâces obtenues par son intercession affluent au monastère, si nombreux que le Pape parle d'un "ouragan de gloire". Proclamée patronne des missions de l'Église universelle et docteur de l'Église en 1997. 

"Je puis donc, malgré ma petitesse, aspirer à la sainteté. Me grandir, c’est impossible, mais je veux chercher le moyen d’aller au ciel par une petite voie bien droite, bien courte et toute nouvelle. Et j’ai lu: Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. Alors, je suis venue"

Sainte Thérèse - Histoire d’une âme

Sainte Thérèse de Lisieux : comment a-t-elle découvert sa vocation ?

Comment Thérèse a-t-elle discerné sa vocation, quelles étapes a-t-elle connues dans la découverte progressive de l’appel de Dieu, comment sa "mission" a coloré de façon très particulière et personnelle la vocation globale, "Vocation au Carmel", qui fut la sienne,… autant de questions qui peuvent éclairer les jeunes aujourd’hui dans leur propre recherche.

Mais il faut tenir compte des changements de mentalité et d’environnement. Toute vocation est unique, aussi bien dans son cheminement que dans les caractéristiques personnelles de l’appel entendu. La vocation de Thérèse n’est donc identique à aucune autre, même si des points communs apparaissent et que sa réponse forte et enthousiaste à l’appel de Dieu peut appuyer la nôtre.

Dès neuf ans, Thérèse est sûre de sa vocation

Un certain nombre de vocations ont germé dès l’enfance : c’est le cas pour Thérèse. D’autres viennent plus tard, dans une découverte personnelle de la foi et de l’attachement au Christ.

Thérèse s’adresse à la mère Marie de Gonzague, la prieure du Carmel où vient d’entrer sa sœur Pauline :

"Vous m’avez expliqué la vie du Carmel qui me sembla si belle ! En repassant dans mon esprit tout ce que vous m’aviez dit, je sentis que le Carmel était le désert où le Bon Dieu voulait que j’aille aussi me cacher… Je le sentis avec tant de force qu’il n’y eut pas le moindre doute dans mon cœur : ce n’était pas un rêve d’enfant qui se laisse entraîner, mais la certitude d’un appel divin ; je voulais aller au Carmel non pour Pauline, mais pour Jésus seul… Je pensai beaucoup de choses que les paroles ne peuvent rendre, mais qui laissèrent une grande paix dans mon âme" (MssA 26r°).

La Première Communion de Thérèse

Expérience très forte pour l’enfant de onze ans, la Première Communion de Thérèse vient confirmer son amour de Dieu et son désir de lui consacrer sa vie.

"Ce fut un baiser d’amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : "Je vous aime, je me donne à vous pour toujours." Il n’y eut pas de demandes, pas de luttes, de sacrifices, depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s’étaient regardés et s’étaient compris".

La grâce de Noël 1886

Thérèse connaît ce soir là une guérison radicale : elle est délivrée des névroses qui la maintenaient dans l’enfance, enfermée sur elle-même et incapable d’avancer malgré dix ans d’efforts (les dix ans qui se sont écoulés depuis la mort de sa mère, disparition qui fut la cause principale de ses difficultés).

"En cette nuit de lumière commença la troisième partie de ma vie, la plus belle de toutes, la plus remplie des grâces du ciel… En un instant, l’ouvrage que je n’avais pu faire en dix ans, Jésus le fit se contentant de ma bonne volonté qui jamais ne me fit défaut. Comme ses apôtres, je pouvais lui dire : «Seigneur, j’ai pêché toute la nuit sans rien prendre.» Plus miséricordieux encore pour moi qu’il ne le fut pour ses disciples, Jésus prit lui-même le filet, le jeta et le remplit de poissons… Il fit de moi un pêcheur d’âmes, je sentis un grand désir de travailler à la conversion des pécheurs, désir que je n’avais pas senti aussi vivement… Je sentis en un mot la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m’oublier pour faire plaisir et depuis lors je fus heureuse !…"

"Le cri de Jésus sur la Croix retentissait aussi continuellement dans mon cœur : «J’ai soif !» Ces paroles allumaient en moi une ardeur inconnue et très vive… Je voulais donner à boire à mon Bien-Aimé et je me sentais moi-même dévorée de la soif des âmes… Ce n’était
pas encore les âmes des prêtres qui m’attiraient, mais celles des grands pécheurs, je brûlais du désir de les arracher aux flammes éternelles…" (MssA 45v°). C’est alors que Thérèse raconte "l’affaire Pranzini", son premier pécheur : "J’entendis parler d’un grand criminel qui venait d’être condamné à mort pour des crimes horribles (il tua une mère et sa fille), tout portait à croire qu’il mourrait dans l’impénitence. Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer (…) J’offris au Bon Dieu tous les mérites infinis de Notre-Seigneur, les trésors de la Sainte Église, enfin je priai Céline de faire dire une messe dans mes intentions (…) Je sentais au fond de mon cœur la certitude que mes désirs seraient satisfaits (…) Je dis au Bon Dieu que j’étais bien sûre qu’il pardonnerait au pauvre malheureux Pranzini, que je le croirais (que je croirais que Dieu lui pardonnerait NDLR), même s’il ne se confessait pas et ne donnait aucune marque de repentir, tant j’avais confiance en la miséricorde infinie de Dieu, mais que je lui demandais seulement un signe de repentir pour ma simple consolation." (MssA, 45v°).

On sait comment, d’après le journal "La Croix", au moment de monter sur l’échafaud, Pranzini embrassa par trois fois le crucifix que lui tendait l’aumônier : Thérèse avait son signe.

Il faut noter comment Thérèse découvre progressivement sa vocation personnelle :

- son désir initial est "d’entrer au Carmel pour Jésus",
- puis elle veut "prier pour les pécheurs",
- ensuite, après le pèlerinage à Rome, elle désire prier pour les prêtres : "Ce que je venais faire au Carmel, je l’ai déclaré aux pieds de Jésus-Hostie, dans l’examen qui précéda ma profession : "je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres" (MssA 69v°).

Plus tard, elle découvrira sa véritable vocation : "Au cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour".

L’acte d’offrande à l’amour miséricordieux du Bon Dieu

Son attachement à Jésus est primordial dans sa vocation. Ce fut son premier désir en pensant au Carmel, elle en fit une expérience très forte et intime lors de sa Première Communion. Elle l’exprime avec enthousiasme dans son acte d’offrande. Avec l’accord de la prieure, elle propose aux novices dont elle a reçu la charge, de faire elles aussi cette offrande. On voit combien elle se démarque des aspects jansénistes de la piété d’alors, où l’on voulait plutôt apaiser la justice divine que s’offrir à son amour.

Le 9 juin de l’an de grâce 1895

« Ô mon Dieu ! Trinité bienheureuse, je désire vous aimer et vous faire aimer, travailler à la glorification de la Sainte Église en sauvant les âmes qui sont sur la terre et en délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m’avez préparé dans votre royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu, d’être vous-même ma Sainteté.

Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Époux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son cœur brûlant d’Amour.

Je vous offre encore tous les mérites des Saints (…) et les mérites de la Sainte Vierge, ma mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande en la priant de vous la présenter. Son Divin Fils, mon Époux Bien-Aimé, aux jours de sa vie mortelle nous a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera ! » Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais ô mon Dieu ! Plus vous voulez donner, plus vous faites désirer. Je sens en mon cœur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! Je ne puis recevoir la sainte communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?… Restez en moi, comme au Tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie. (…)

Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Cœur Sacré et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.

Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. (…)

Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, JE M’OFFRE COMME VICTIME D’HOLOCAUSTE À VOTRE AMOUR MISÉRICORDIEUX, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont enfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour, ô mon Dieu !…

Que ce martyre, après m’avoir préparée à paraître devant vous me fasse enfin mourir et que mon âme s’élance sans retard dans l’éternel embrasement de votre Miséricordieux Amour…
Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon cœur, vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois jusqu’à ce que, les ombres s’étant évanouies, je puisse vous redire mon Amour dans un Face à Face éternel ! »


"Dans le cœur de l’Église, je serai l’Amour"

Thérèse a réalisé jusqu’alors sa vocation de carmélite. Mais elle est habitée de grands désirs et l’insatisfaction demeure : une vocation ne lui suffit pas, elle les veut toutes. A la suite d’une longue réflexion et d’une prière assidue, elle finit par trouver le secret qu’elle s’épuisait à chercher.

"Ah ! Pardonnez-moi, Jésus, si je déraisonne en voulant redire mes désirs, mes espérances qui touchent à l’infini …"

"Je sens en moi la vocation de prêtre, avec quel amour, ô Jésus, je
te porterais en mes mains lorsque, à ma voix, tu descendrais du ciel… Avec quel amour je te donnerais aux âmes !… Mais hélas, tout en désirant d’être prêtre, j’admire et j’envie l’humilité de St François d’Assise et je me sens la vocation de l’imiter en refusant la sublime dignité du sacerdoce."

"Ô Jésus ! Mon amour, ma vie… Comment allier ces contrastes ? … "

"Ô mon Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même temps annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées… Je voudrais être missionnaire non seulement pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du monde et jusqu’à la consommation des siècles… Mais je voudrais par dessus tout, ô mon Bien-Aimé Sauveur, je voudrais verser mon sang jusqu’à la dernière goutte…"

Finalement, c’est la lecture de saint Paul qui l’éclaire et lui donne la solution :

"J’y lus que tous ne peuvent être apôtres, prophètes, docteur, etc. Que l’Église est composée de différents membres et que l’œil ne saurait être en même temps la main. (…) Je ne m’étais reconnue dans aucun des membres décrits par saint Paul, ou plutôt je voulais me reconnaître en tous. La charité me donna la clé de ma vocation. Je compris que l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église avait un Cœur, et que ce cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour seul faisait agir les membres de l’Église, et que si l’Amour venait à s’éteindre, les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l’Amour renfermait toutes les vocations, que l’Amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… En un mot, qu’il est éternel…"

"Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : Ô Jésus mon amour… Ma vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation c’est l’Amour !… Oui, j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… Dans le Cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’Amour… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé !!!…"

"Oui, mon Bien-Aimé, voilà comment se consumera ma vie… Je
n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour…"

"Ô mon Jésus, je t’aime, j’aime l’Église ma Mère, je me souviens que "le plus petit mouvement de pur amour lui est plus utile que toutes les autres œuvres ensemble"" (MssB 2v°, 3r°&v°, 4r°&v°).

La vocation dans l’épreuve de la foi

Une vocation limpide ? Par certains côtés, oui : elle ne s’est jamais démentie et Thérèse n’en a jamais douté. Mais sa vocation est aussi un long cheminement que la lourde épreuve de la foi mène à sa perfection. Rappelons qu’elle a alors vingt-deux ans.

"Il (Jésus) permit que mon âme fût envahie des plus épaisses ténèbres et que la pensée du ciel, si douce pour moi ne soit plus qu’un objet de combat et de tourment… Cette épreuve ne devait pas durer quelques jours, quelques semaines, elle ne devait s’éteindre qu’à l’heure marquée par le Bon Dieu et… cette heure
n’est pas encore venue… Je voudrais pouvoir exprimer ce que je sens, mais, hélas, je crois que c’est impossible. Il faut avoir voyagé sous ce tunnel pour en comprendre l’obscurité (…). Je vous parais peut-être exagérer mon épreuve, en effet si vous jugez d’après les sentiments que j’exprime dans les petites poésies que j’ai composées cette année, je dois vous sembler une âme remplie de consolations et pour laquelle le voile de la foi s’est presque déchiré, et cependant… ce n’est plus un voile pour moi, c’est un mur qui s’élève jusqu’aux cieux et couvre le firmament étoilé… Lorsque je chante le bonheur du ciel, l’éternelle possession de Dieu, je n’en ressens aucune joie, car je chante simplement ce que je veux croire. Parfois il est vrai, un tout petit rayon vient illuminer mes ténèbres, alors l’épreuve cesse un instant, mais ensuite le souvenir de ce rayon, au lieu de me causer de la joie, rend mes ténèbres plus épaisses encore."

"Jamais je n’ai si bien senti combien le Seigneur est doux et miséricordieux, il ne m’a envoyé cette épreuve qu’au moment où j’ai eu la force de la supporter, plus tôt je crois bien qu’elle m’aurait plongée dans le désespoir…"

"Ah ! Que Jésus me pardonne si je lui ai fait de la peine, mais il sait bien que tout en n’ayant pas la jouissance de la Foi, je tâche au moins d’en faire les ouvres. Je crois avoir fait plus d’actes de foi depuis un an que pendant toute ma vie". (MssC 6v°-7r°).

Vocation, prière et apostolat

Dans une lettre à sa sœur Céline, Thérèse souligne combien vocation contemplative, prière et apostolat sont liés. Elle insiste sur le rôle irremplaçable de la prière pour l’évangélisation du monde.

"A la vérité, la moisson est abondante mais le nombre des ouvriers est petit ; demandez donc au maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers. Quel mystère !… Jésus n’est-il pas Tout-Puissant ? Les créatures ne sont-elles pas à celui qui les a faites ? Pourquoi Jésus dit-il donc : "Demandez au maître de la moisson qu’il envoie des ouvriers" ? Pourquoi ?… Ah ! C’est que Jésus a pour nous un amour si incompréhensible qu’Il veut que nous ayons part avec lui au salut des âmes. Il ne veut rien faire sans nous. Le Créateur de l’univers attend la prière d’une pauvre petite âme pour sauver les autres âmes rachetées comme elle au prix de tout son sang."

"L’apostolat de la prière n’est-il pas pour ainsi dire plus élevé que celui de la parole ? Notre mission comme Carmélites est de former des ouvriers évangéliques qui sauveront des milliers d’âmes dont nous serons les mères… Céline, si ce n’était pas les paroles mêmes de notre Jésus, qui oserait y croire ?… Je trouve que notre part est bien belle, qu’avons-nous à envier aux prêtres ?…" (LT 135).

La "Petite Voie" proposée aux "petites âmes"

Tout au long de sa vie, Thérèse a expérimenté, dans sa recherche de Dieu, un chemin accessible à tous, aux "petites âmes", comme elle les appelle : sa "Petite Voie", faite d’humilité, de confiance et de petitesse. Quelque infinis que soient ses désirs, elle se sait petite, elle s’accepte et se veut petite. Elle se sait incapable de rien faire par elle-même et se confie à l’amour du Père pour devenir une sainte.

"Vous le savez (…), j’ai toujours désiré être une sainte, mais hélas ! J’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections, mais je veux chercher le moyen d’aller au ciel par une petite voie bien droite, bien courte, toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions, maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur les remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai cherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Éternelle : Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. Alors je suis venue devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais, et voulant savoir, ô mon Dieu, ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel, j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : comme une mère console son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! Ah ! Jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus. Pour cela, je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite (…) !" (MssC 3r°)

La "Petite Voie" qu’elle a découverte, Thérèse comprend qu’il lui faut la communiquer à tous les "petits" qui, comme elle, désirent la sainteté. Dans ses derniers mois, cela devient pour elle comme une hantise : "Je sens que je vais entrer dans le repos, dit-elle à sa sœur Pauline, mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le Bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voie aux âmes. Si le Bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu’à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre". (DE, CJ, 17/07/97).

« Ma petite doctrine » comme vous l’appelez…

Le chemin spirituel de Thérèse Martin fut solitaire. Certes, elle a beaucoup reçu de sa famille, de ses éducateurs, des maîtres du Carmel. Mais aucun prêtre ne l’a profondément marquée. En elle, le Saint-Esprit a tracé un chemin d’authenticité - « Je n’ai jamais cherché que la vérité » - qui lui a révélé les profondeurs de l’Amour trinitaire et une « voie » pour les rejoindre, sans aucun souci didactique : tout est venu de la vie, des événements quotidiens relus à la lumière de la Parole de Dieu. Son apport incomparable à la spiritualité du XXe siècle est un retour à l’Evangile dans sa pureté radicale. « Si vous ne redevenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. » (Matthieu 18,3)

Bien qu’elle n’ait jamais pu disposer de l’Ancien Testament intégral, elle a opéré un retour à la méditation de la Parole de Dieu. Sans aucune initiation, sans aucune culture biblique, elle cite plus de 1000 fois la Bible dans ses écrits. Ce n’est qu’à vingt-deux ans que deux textes de l’Ancien Testament cristallisent en elle une longue recherche : l’illumination de « la voie d’enfance spirituelle » qui va symboliser son apport.

« Je veux être une sainte »

Thérèse, ardente adolescente est partie pour la sainteté. Elle écrit à son père : « Je ferai ta gloire en devenant une grande sainte ».

Mais très vite, au Carmel, elle va se heurter à ses faiblesses et à son impuissance, lorsqu’elle se compare aux Saints. Ils lui apparaissent comme une montagne alors qu’elle n’est qu’un grain de sable. « Me grandir, c’est impossible », constate-t-elle, mais sans se décourager. Car si Dieu a mis en elle ces désirs de sainteté, c’est qu’il doit y avoir une route, une voie pour gravir « le rude escalier de la perfection ».


Sainte Thérèse en Amérique - Document KTO

Les enfants

La Parole de Dieu va lui ouvrir la voie : « Si quelqu’un est tout petit, qu’il vienne à moi. » (Proverbes, 9,4) « Alors je suis venue », écrit la « petite Thérèse » en se demandant ce que Dieu ferait au petit qui viendrait à lui, elle lit Isaïe 66 : : dès lors, elle a compris qu’elle ne pourra pas monter seule cet escalier mais que Jésus la prendra dans ses bras, tel un ascenseur rapide.

Dès lors, la petitesse de Thérèse n’est plus un obstacle, au contraire. Plus elle sera petite et légère dans les bras de Jésus, plus Il la fera sainte par une ascension rapide.

C’est ainsi que Thérèse raconte sa découverte de la petite voie (Manuscrit C, 2).

C’est d’abord une découverte de ce qu’est Dieu : essentiellement Amour Miséricordieux. Désormais, elle verra toues les perfections divines (y compris sa Justice) à travers le prisme de sa Miséricorde.

Ceci entraîne de sa part une audacieuse confiance : « Je désire être sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d’être vous-même ma sainteté. » (Acte d’Offrande)

Accepter de se laisser faire par Dieu n’implique aucun infantilisme facile. Thérèse fera concrètement tout ce qui est possible pour montrer concrètement son amour pour Dieu et ses sœurs  mais dans une totale gratuité, celle de l’amour.

Dans toutes les situations et tous les actes de sa vie, Thérèse va « appliquer » cette voie : Dieu lui demande ceci, elle sent qu’elle en est incapable, donc Il le fera en elle. Un exemple : aimer toutes ses sœurs comme Jésus les aime lui est impossible. Alors s’unissant à Lui, c’est Lui qui les aimera en Thérèse. « Oui, je le sens lorsque je suis charitable, c’est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j’aime toutes mes sœurs. » (Manuscrit C, 13 r°)

Voilà un chemin de sainteté qui s’ouvre pour tous, les petits, les pauvres, les blessés : accepter le réel de sa faiblesse et s’offrir à Dieu tel qu’on est pour qu’il agisse en nous.

On comprend mieux alors qu’une telle phrase, par exemple, est aux antipodes de la mièvrerie mais explicite au contraire l’enfance évangélique prêchée par Jésus : « Jésus se plaît à me montrer l’unique chemin qui conduit à cette fournaise Divine, ce chemin c’est l’abandon du petit enfant qui s’endort sans crainte dans les bras de son Père. » (Manuscrit B, 1 v°)

Ses intuitions en font une annonciatrice des grandes vérités remises en lumière par le Concile Vatican II : primauté du mystère pascal de Jésus sur toutes les dévotions particulières, la voie de la sainteté pour tout baptisé, mariologie qui voit en Marie « plus une Mère qu’une Reine », ayant vécu l’épreuve de la foi (cf. Le poème « Pourquoi je t’aime, ô Mère », testament marial, mai 1897), ecclésiologie de communion fondée sur la présence de l’Amour (l’Esprit-Saint) au cœur de l’Eglise qui anime toutes les vocations complémentaires dans la Communion des Saints du Ciel et de la Terre.

Révolution aussi dans la conception des Fins dernières : non plus le
repos, mais l’action : « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. »

Thérèse, sans le savoir, a ouvert des chemins œcuménisme : sa lecture de l’épître aux Romains séduit les luthériens ; l’orthodoxie l’aime avec saint François d’Assise (les symboles universels utilisés par ces deux saints facilitent leur inculturation en d’autres civilisations.)

Plusieurs vidéos très passionnantes :

Vie et enseignement de Thérèse


Thérèse et la vie au Carmel

Vie de Thérèse - France2

Son pèlerinage à Rome

Thérèse superstar - France3

Sainte Thérèse en Amérique


Lisieux vu du ciel